Jonathan Livingston le Goéland (resserrement)

Jonathan (2ème version)

Le soleil n’était pas encore levé quand les bateaux de pêche quittèrent le port. Mille goélands se précipitèrent à leur suite pour se disputer les restes de poisson que les pêcheurs rejetaient à l’eau.

Quelques centaines de mètres plus loin, un goéland ne participait pas au petit déjeuner matinal. Lui, ce qui l’intéressait avant toute chose, c’était de voler. Inlassablement, il testait différentes techniques de vols. Jonathan montait de plus en plus haut, puis descendait en piqué pour augmenter sa vitesse. Incapable de contrôler son vol, il finissait toujours par décrocher et tomber comme une pierre dans l’océan.

Un jour, après l’une de ses nombreuses tentatives infructueuses, désespéré, alors qu’il songeait à renoncer, une idée surgit dans son esprit. C’est évident, il me suffit de réduire la taille de mes ailes, avant de piquer ! Une telle découverte changera la vie de la tribu. Jonathan en était certain. Testant sa nouvelle technique, il manqua de percuter un groupe de goélands réunis autour d’un bateau de pêche.

Quand il atterrit un peu plus tard et découvrit tous les goélands rassemblés en cercle sur la plage, Jonathan pensa qu’ils allaient le féliciter pour ses prouesses.

– Jonathan, place-toi au milieu du cercle en signe de honte.

Le jeune goéland crut avoir mal entendu. N’ont-ils pas vu de quoi je suis capable ? Ne comprennent-ils pas que la vie des goélands va changer grâce à mes découvertes ? Personne ne l’écouta. Triste, frustré, il quitta son clan et se dirigea vers les falaises lointaines, où il devait s’exiler.

Durant tout le reste de sa vie, Jonathan continua à améliorer ses capacités de vol, pour son propre bien-être. Il vivait en solitaire, mais heureux. Son seul regret : ne pas avoir pu partager ses découvertes.

Un soir, deux goélands magnifiques et lumineux surgirent à ses côtés pour l’aider à quitter sa vie terrestre vie. Ils grimpèrent de plus en plus haut pour rejoindre un nouveau monde. Le corps de Jonathan changea pour devenir aussi brillant que ceux de ses accompagnateurs. Ils le laissèrent sur une plage où une douzaine de goélands s’exerçaient à voler. En les voyant, Jonathan réalisa qu’il avait encore beaucoup à apprendre.

Pendant un certain temps, vivant l’exaltation de nouveaux apprentissages, il oublia sa vie terrestre et le clan qui l’avait exclu. Jonathan progressait rapidement. Peu à peu, il comprit qu’il n’était pas au paradis, comme il l’avait cru en arrivant. Prenant son courage à deux pattes, il s’en alla retrouver Chiang, l’Ancien, pour lui demander ce qu’était le paradis.

– Le paradis n’est pas un lieu. C’est un état intérieur de perfection. Mais sache que ni le temps et ni l’espace n’existent. Tu imagines qu’il y a des limites à la vitesse, alors qu’il n’y en a pas.

Sur ces mots, Chiang disparut pour apparaître cent mètres plus loin, puis revenir de la même manière près de Jonathan, stupéfait. Immédiatement, l’apprenti goéland voulut apprendre cette nouvelle technique.

– Il suffit de t’imaginer là où tu le souhaites. Tu ne dois pas te laisser limiter par ton corps.

Pendant des jours et des jours, Jonathan s’exerça. Il restait debout sur la plage pendant des heures, les yeux fermés. Mais rien ne se passait.

Puis un jour, il comprit soudain l’être parfait qui sommeillait en lui. Quand il rouvrit les yeux, il se trouvait dans un autre monde, avec Chiang à ses côtés. Heureux.

Jonathan continua à travailler avec son maître la vitesse absolue, cherchant à atteindre plus précisément les lieux visés. Puis il se mit à étudier la bonté et l’amour.

Cependant, au fur et à mesure qu’il pratiquait cet art, il songeait à son ancien clan. N’y aurait-il pas là-bas un goéland qui avait soif d’apprendre à voler et qu’il pourrait aider ?

Fletcher le goéland volait à tire d’ailes vers les falaises lointaines. Triste, humilié. Les autres goélands n’ont pas compris l’importance du vol. Il a été exclu injustement. Comment peuvent-ils être aussi bornés ?

C’est alors qu’il perçut une voix résonnant dans sa tête. A ses côtés volait un magnifique goéland.

– Veux-tu apprendre à voler et retourner aider les tiens ensuite ?

Fletcher, sans hésiter, suivit Jonathan, heureux d’apprendre.

Bientôt cinq autres élèves se joignirent à Fletcher pour apprendre les techniques de vol les plus pointues, sous la direction inflexible, mais remplie de bonté, de Jonathan. Chaque soir, après l’entrainement, Jonathan leur parlait encore.

– Le vol est un moyen d’atteindre sa véritable nature.

Parfois, il leur parlait d’amour, de leur corps qui n’était qu’une projection de leur pensée. Mais ils ne le comprenaient pas.

Après quelque temps, Jonathan décida de retourner vers le clan avec ses élèves.

Lorsque les sept goélands atterrirent sur la plage, les anciens interdirent à quiconque de leur adresser la parole et de les approcher.

Durant la nuit cependant, quelques jeunes oiseaux s’approchaient des nouveaux venus pour écouter Jonathan. Au matin, ils s’en allaient rejoindre le reste du clan, comme si de rien n’était. De jour en jour, le groupe des auditeurs s’agrandit. Plus aucun goéland ne se cachait.

Jonathan expliquait les techniques de vol, mais parlait aussi de liberté et de perfection.

Fletcher se mit à enseigner à son tour. Le soir, après les cours, il retrouvait son ami Jonathan pour discuter et raconter ce qui se disait de lui dans le clan.

– Tu serais le fils du Grand Goéland lui-même.

Peu de temps après cet échange, Jonathan, estimant Fletcher prêt à reprendre le relais, s’envola vers de nouveaux horizons pour aider d’autres exclus.

Seul, face à ses élèves, Fletcher commença :

– Il faut que vous compreniez d’abord que l’objectif ultime du vol est de découvrir le véritable goéland qui est en vous, que votre corps n’est que la projection…

Fletcher s’interrompit. Les jeunes goélands n’étaient pas encore prêts à entendre ce message. C’est à ce moment-là qu’il comprit que Jonathan n’était pas plus d’essence divine que lui-même et que la liberté totale était en chacun.

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