Les mensonges des grands

Arthur est un petit garçon comme beaucoup d’autres. Il est très curieux et n’aime pas se coucher tôt, même s’il était fatigué. Il adore voir des films. Le soir, il n’a pas le droit de rester avec son papa et sa maman.

Parfois, il rejoint, dans sa chambre, Jessica, sa grande sœur de 15 ans. Ils regardent ensemble des films sur l’ordinateur, à l’insu de leurs parents. De temps en temps, ils s’inventent des aventures et ils jouent à espionner les adultes. Arthur est devenu très fort à ce jeu-là.

Un soir, alors qu’il n’arrive pas à s’endormir, il retrouve Jessica pour voir un film. A peine ont-ils commencé à le regarder que la sonnette à l’entrée tinte. Surprise, Jessica éteint l’ordinateur et tend l’oreille. Elle ouvre la porte de sa chambre tout doucement. Son frère se colle derrière elle.

  • C’est qui ?
  • Je ne sais pas.

Après un moment, Jessica referme la porte.

  • C’est la voisine d’en haut. Elle veut que papa aille chez elle.
  • Pourquoi ?
  • Je n’ai pas compris.

Jessica s’interrompt un instant, puis elle fait un clin d’œil à Arthur.

  • Ça te dirait qu’on les espionne ?

Content, Arthur frappe dans ses mains. Les deux complices rient. Ils enfilent leurs pantoufles. Au moment où ils entendent la porte d’entrée se refermer, ils sortent, sans se faire voir de leur mère qui regarde la télévision. Jessica laisse la porte d’entrée entrebâillée. Arthur glousse de plaisir.

La voisine, Mme Raman, habite tout en haut de l’immeuble. La sœur et le frère grimpent les marches sans faire de bruit. La porte de l’appartement est entrouverte. Jessica se faufile à l’intérieur, suivie d’Arthur. Ils entendent des éclats de voix dans la chambre à coucher. Ils se rapprochent et Jessica jette un coup d’œil dans la pièce.

Sur le lit, il y a un homme étendu, tout nu. Surprise, Jessica laisse échapper un rire nerveux. Son père, médecin, est en train de l’ausculter.

  • Il est mort, dit son père.

Jessica se retourne vers son frère. Elle est pâle.

  • Viens, on s’en va.
  • Qu’est-ce qu’il a dit ?
  • Rien.
  • Je veux voir, moi aussi.
  • Non, c’est pas possible.
  • Je veux voir, hurle encore Arthur qui échappe à sa sœur.

Il se précipite dans la chambre.

  • Qu’est-ce que vous faites là ? demande leur père, quand il voit ses enfants.
  • C’est ma faute, murmure Jessica.
  • Il a quoi le monsieur ? Pourquoi il est tout nu ?
  • Il est mort, murmure Jessica.
  • Mais non ! intervient vivement le papa. Il est juste un peu fatigué. Je vais le rhabiller et il se sentira mieux. Rentrez à la maison maintenant.

Jessica prend la main de son frère et l’entraîne.

Au moment où ils sortent de l’appartement, ils aperçoivent le mari de la voisine en bas de la cage d’escaliers.

  • Il faut que j’aille les avertir, chuchote Jessica.
  • Pourquoi ?
  • Parce que le Monsieur malade était tout nu sur le lit.
  • Je comprends pas.
  • Le Monsieur ne devait pas être là et le mari sera fâché.
  • Pourquoi ? Il ne l’aime pas ?
  • Je t’expliquerai plus tard.

Jessica retourne dans l’appartement, suivie d’Arthur. Son père et la voisine ont rhabillé l’homme. Ils sont en train de l’asseoir sur le divan, mais il tombe sans arrêt sur le côté. Ils essaient de le coincer entre des coussins.

  • Le mari de la voisine est dans l’escalier, intervient Jessica.

Alors que l’ami de la voisine s’incline lentement sur le côté, le papa d’Arthur le retient discrètement pour éviter qu’il tombe, tandis que le mari entre dans l’appartement. Il est surpris d’y trouver tant de monde.

  • J’étais chez moi, à discuter avec mon ami, médecin, ici présent, intervient le papa, quand votre femme m’a téléphoné. Elle n’était pas bien. Je me suis précipité pour l’ausculter. Votre femme s’est sentie mieux, mais mon confrère a fait un malaise. Pourriez-vous m’aider à le porter dans ma voiture ? Je vais l’accompagner à l’hôpital.

Arthur est stupéfait d’entendre son papa mentir. C’est vraiment étrange. Ses parents le grondent très fort, quand il dit des mensonges. Le monde des adultes est-il donc différent de celui des enfants ? Les mensonges des grands sont-ils moins importants que ceux des petits ? Le petit garçon ne peut s’empêcher de demander.

  • Pourquoi tu dis que le monsieur tout nu est ton ami ?

Le père d’Arthur devient tout blanc, tandis que l’homme sur le divan tombe lentement sur le côté. Jessica saisit son frère par la main et l’entraine hors de l’appartement.

  • Pourquoi papa a dit des mensonges ?
  • Le monde des adultes est plus compliqué que celui des enfants. Le Monsieur était le bon ami de la voisine. Son mari aurait été fâché s’il l’avait su.
  • Alors quand je serai grand je pourrai dire tous les mensonges que je veux ?
  • Non, mais parfois la vérité n’est pas toujours bonne à dire et fait plus de mal que les mensonges.

 

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