Le livre oublié

1ère version avec uniquement les actions

Un matin à l’aube, après m’être réveillé en sursaut d’un cauchemar, mon père m’a rassuré puis emmené à travers les rues tortueuses de Barcelone. Nous sommes arrivés devant un portail en bois de ce qui ressemblait à un hôtel particulier abandonné.

Il m’a fait promettre de ne rien dire à personne de ce que j’allais voir.

Un homme au nez crochu et au regard d’aigle nous a ouvert la porte et nous a emmenés dans un couloir mal éclairé. Quelques minutes plus tard, nous nous sommes retrouvés au seuil d’une sorte de gigantesque basilique, avec un plafond en forme de dôme. Il s’y trouvait des centaines de bibliothèques chargées de livres.

  • Voici le cimetière des livres oubliés, m’a dit mon père. Chaque livre a une âme. Celle de celui qui l’a écrit et de ceux qui l’ont lu. Ce lieu est un mystère, un temple qui existe depuis très longtemps. Mon père m’y a emmené quand j’avais ton âge. Cet endroit protège les livres oubliés. Lorsqu’un ouvrage disparait, lorsque plus personne ne s’en souvient, nous, les gardiens de ce lieu, faisons en sorte qu’il y parvienne. Il attend là qu’un nouveau lecteur le découvres. Toi, Daniel, tu vas pouvoir en adopter un. Chaque personne qui vient ici pour la première fois peut choisir un livre pour qu’il reste vivant à jamais.

Pendant une demi-heure j’ai déambulé dans les couloirs de la bibliothèque. J’ai fini par trouver celui que j’allais adopter, au bout d’un rayon, qui était intitulé « L’ombre du vent » de Julian Carax.

Version 2

Un matin, après m’être réveillé en sursaut d’un cauchemar, j’ai vu mon père arriver en courant pour me rassurer. M’assurer que ma mère resterait à jamais dans son cœur. Qu’il avait de la mémoire pour deux. Je devinais son regard tourné vers le passé, tandis que le mien l’était vers l’avenir.

Il m’a fait lever. Tôt. Trop tôt pour un petit garçon comme moi. Dans la brume et les rues matinales, désertes de chats. Mais il est des choses que l’obscurité met en lumière. Qui se voient mieux la nuit.

Il m’a entraîné à travers la ville aux rues étroites et tortueuses, encore balbutiantes de sommeil. Nous sommes arrivés devant un portail en bois de ce qui ressemblait à un hôtel particulier abandonné. Il m’a fait promettre de ne rien dire à personne de ce que j’allais découvrir.

  • Pas même à ton meilleur ami.

Un homme aux cheveux gris  et au nez crochu a ouvert. Aucune émotion dans son regard d’aigle. Il nous a laissé passer, sans rien dire. Il connaissait mon père, savait pourquoi j’étais là, alors que je l’ignorais.

Le couloir mal éclairé résonnait des battements de mon cœur et de mes pas. La pénombre imprégnait mon corps de la magie de ces lieux. Soudain, une gigantesque basilique surgit à l’improviste, avec un plafond en forme de dôme et des centaines de bibliothèques gavées de livres jusqu’à l’indigestion. Elles couraient en un labyrinthe d’escaliers, de tunnels, de petits ponts et de couloirs.

  • Voici le cimetière des livres oubliés, a dit mon père.

Quelques silhouettes flottaient au hasard des rayonnages. Alchimistes des livres anciens, comme mon père, et magiciens, garants de secrets ignorés du monde.

Mon père m’a fixé avec intensité.

  • Chaque livre a l’âme de celui qui l’a écrit et de ceux qui l’ont lu. Ce temple des livres oubliés existe depuis très longtemps. Mon père m’y a emmené à ton âge. Lorsqu’un livre disparait, nous, les gardiens de ce lieu, faisons en sorte qu’il y parvienne. Il attend qu’un nouveau lecteur le découvre.

Il s’est arrêté un instant avant de reprendre :

  • Toi, Daniel, tu peux en adopter un. Choisis un livre pour qu’il reste en vie à jamais et t’accompagne.

J’ai déambulé dans le labyrinthe au hasard de ces orphelins en quête de parents. Perdu. Ne sachant lequel m’était destiné ou lequel m’avait choisi.  Soudain, je l’ai aperçu au bout d’un rayon avec sa reliure de cuir vieilli et ses lettres qui luisaient dans la pénombre. Il m’attendait. Je m’en suis approché et en ai lu le titre à voix basse : « L’ombre du vent » de Julian Carax.

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