Une forêt en cadeau

Ils sont cinq. Cinq chevaux avec leurs cavaliers à affronter les tourbillons de neige, en ce mois de novembre 937. Trois palefreniers à dos de mulets et six bêtes de somme les accompagnent. Au milieu de cette petite troupe, une reine. Berthe. La « bonne Reine Berthe », dira la légende près d’un millénaire plus tard. Les montures avancent au pas. En à peine une demi-heure, le sol s’est recouvert d’une bonne couche de neige. Le ciel s’est obscurci et, alors que la matinée est loin d’être terminée, il fait presque nuit. Les cavaliers ferment leurs yeux à moitié, gênés par les flocons en colère. Ils n’aperçoivent pas encore la forêt à une centaine de mètres d’eux. Celle qui leur permettra de se protéger des bourrasques et d’attendre que la tempête se calme un peu.

Emmitouflée dans son long manteau de fourrure, Berthe reste droite sur son cheval, se cramponne à sa dignité, à son courage. Bien qu’elle n’ait jamais eu à exercer de pouvoir jusqu’à présent, elle n’en est pas moins la reine de Haute-Bourgogne. Des larmes de glace se figent sous ses paupières. Une souveraine ne doit pas pleurer.

Pourtant, les raisons ne lui manquent pas, en plus du froid glacial et de la neige. D’abord, la mort du père de ses trois enfants, Rodolphe II, roi de Bourgogne, quelques mois plus tôt. Son tout récent mariage avec Hugues d’Arles, roi d’Italie, qu’elle n’apprécie guère. Un coureur de jupons qui ne s’intéresse à elle que pour son titre et ses terres, sur lesquelles il règne déjà. Elle n’est qu’un pion sur l’échiquier politique. Elle le sait.

Le Pays de Vaud, qui fait partie du Royaume de Bourgogne, souffre des nombreuses razzias de Hongrois et de Sarrasins. Berthe n’a pas eu d’autres choix que de s’allier à Hugues en l’épousant en secondes noces. Pour elle, c’est une sécurité. Pour lui, c’est une aubaine. Pour renforcer son emprise sur le royaume, il a fiancé Adélaïde, fille de Berthe et de Rodolphe II, à son propre fils Lothaire. Le jour même de son propre mariage à Colombier.

À présent, elle chevauche avec quatre chevaliers. Elle va assister à un autre mariage à Genève. Celui d’un de ses neveux. Hugues n’est pas là, préférant la compagnie de ses concubines. Aucun de ses trois enfants non plus. Ils sont restés dans leur château de Colombier.

La troupe pénètre enfin dans la forêt qui relie Bougy-Villars à Féchy. À l’abri des arbres, les membres du groupe s’apprêtent à mettre pied à terre pour souffler un peu, quand trois cavaliers à la mine patibulaire surgissent, leur barrant le chemin. Ils les menacent, exigent l’or et les bijoux, tous leurs biens. Le cheval de Berthe affolé se cabre. La reine s’agrippe à la crinière. Elle ne leur cédera pas. De toute façon, ils ne se contenteraient pas de les dépouiller. Elle fait demi-tour et s’enfuit par un chemin de traverse suivie de deux de ses compagnons, tandis que les autres hommes de sa suite font face aux brigands. Surtout ne pas retourner à découvert. Elle n’aurait aucune chance contre eux.

Couchée sur l’encolure de son cheval, Berthe galope à travers la forêt. Tente tant bien que mal de se protéger des branches qui ralentissent sa chevauchée. Les deux chevaliers ne sont plus seuls à caracoler derrière elle. Ils tentent de faire diversion, se séparent à un embranchement, espérant ainsi entraîner les bandits loin de leur reine. En vain. Les malfrats ne se laissent pas berner et se lancent à la poursuite de Berthe, devinant qu’il s’agit d’une personnalité importante.

La jeune femme entend les brigands se rapprocher. Elle perçoit le souffle de leurs chevaux. Entend les battements de son propre cœur qui se cognent contre les troncs des arbres transis, à contretemps des galops de ses poursuivants. Berthe sait ce qui l’attend, songe à ses enfants qu’elle ne verra pas grandir.

Non loin de là, plusieurs bûcherons frappent de leur hache les troncs couchés des arbres qu’ils ont abattus. Le long du chemin, les bûches s’entassent en vrac. L’hiver est particulièrement rude cette année. La température est descendue plusieurs fois au-dessous de zéro degré. Les villageois ont besoin de plus de bois que d’habitude pour chauffer leur maison. Les bûcherons ne chôment pas.

Il leur faut absolument terminer de débiter les arbres qu’ils ont abattus, avant que la neige les recouvre totalement. Ils sont sortis à l’aube pour faire le travail. À la lisière, plusieurs paysans vérifient l’état de leurs champs.

Lorsqu’ils entendent le bruit des cavalcades, puis les éclats de voix, ils se précipitent. Les uns avec leurs haches, les autres avec leurs fourches. Au moment où les bandits s’apprêtent à attraper Berthe, les bûcherons surgissent devant leurs chevaux qui se cabrent et désarçonnent leurs cavaliers.

Les brigands sortent des couteaux de leurs vêtements. Mais ils ne font pas le poids face aux armes improvisées de leurs adversaires. Ils renoncent à leur projet et s’enfuient à pied, leur monture ayant disparu.

Lorsque Berthe de Bourgogne réalise que ses poursuivants ne sont plus à ses trousses, elle rebrousse chemin. Elle découvre alors les bûcherons et les paysans en grande conversation avec ses palefreniers sains et saufs. Reconnaissante, la reine Berthe offre une jarre remplie d’or aux premiers et une forêt aux seconds. Elle renonce à se rendre au mariage de son neveu et passe quelques heures dans le village de ceux qui l’ont sauvée.

Elle préfère la simplicité au faste des grands. À défaut de régner véritablement, elle décide de consacrer sa vie à aider autrui et à faire don de sa fortune. Elle ne sait pas encore qu’au XIXe siècle, elle deviendra le symbole du tout nouveau canton de Vaud, qu’elle sera un modèle de vertu pour les jeunes filles et fera l’objet de nombreuses légendes.

Peur de rien

– Qu’est-ce que tu lis ?

Assis sur un banc, Vincent sursaute. Un de ses collègues trader se tient debout devant lui, le forçant à lever les yeux. Sourire suffisant. Dents trop blanches. Canines pointues. Le jeune homme ferme son ouvrage et en montre la couverture. « Les écrits de Warren Buffet ».

– Évidemment, je me disais aussi. Pas capable de te détendre, mon pote.

Puis, comme il se retourne pour passer son chemin, il glisse : « Un jour je te ferai mordre la poussière. »

Vincent sourit. Il n’a pas peur. Aucun de ses multiples ennemis n’a réussi à avoir sa peau. C’est eux qui le craignent et jalousent ses talents, sa fortune, les femmes qui fréquentent son lit. Ils lui en veulent de son succès. Lui, que personne ne connaissait trois ans auparavant.

L’instituteur, qui l’avait pris sous sa protection à la mort de ses parents, lui avait prédit qu’il serait médecin. « C’est un beau métier. Ou alors, tu seras philosophe, ou enseignant, comme moi. »

Vincent était devenu trader. Ses seules motivations : l’argent et le jeu. Son maître d’école lui avait pourtant enseigné les « vraies valeurs de la vie », qu’il disait, comme l’amour d’autrui, la tolérance ou l’intelligence du cœur.

Mais Vincent avait croisé la route de loubards élégants. Ils lui avaient montré le pouvoir de l’argent. Il avait été conquis. Il avait 15 ans et avait tourné le dos à son maître d’école. L’essentiel, pour lui, était de faire partie d’une bande. Il était leur frère « à la vie à la mort ». Sa loi : voler les pauvres pour donner aux riches.

Son nouveau protecteur avait remarqué son intelligence. Il imaginait, pour lui, un avenir plus glorieux que celui de petit délinquant. Il l’avait poussé à étudier la finance et l’informatique. « Pour que tu saches voler avec brio, sans te faire prendre. » Très vite, il avait excellé et était devenu un trader au-dessus de la norme. Nul ne devinait qu’il était aussi pirate, qu’il pratiquait des délits d’initié à la pelle et se glissait quotidiennement dans les réseaux des entreprises les plus sécurisées. « L’information est la clé », disait toujours son mentor.

Vincent est fier de la haine de ses ennemis à son égard. Il sourit de toutes ses dents, plus blanches et plus aiguisées que celles de ses ennemis. Son regard se reporte sur le livre qu’il tient entre les mains. Celui qu’il parcourait et qu’il avait réussi à cacher, quand son collègue l’avait interrompu.

Le bouquin d’un môme.

L’enfant est assis sur le bord d’un trottoir. Sale. Un livre ouvert sur ses genoux. Il a peut-être 10 ou 12 ans. Il lui fait penser à lui, Vincent, quand il était petit. Pourquoi ne le prendrait-il pas sous sa protection ? Il en fera un homme riche et sans état d’âme.

« Qu’est-ce que tu lis ? ». L’enfant ne répond pas, ne lève même pas la tête. Le jeune homme continue à lui parler. Il lui promet de beaux habits, de quoi manger tous les jours « à s’en faire péter la panse ». Mais le petit ne l’écoute pas. Il le rejette, lui renvoie sa solitude en pleine figure. Pour une fois qu’il veut s’occuper de quelqu’un… L’enfant se lève, part avec son livre serré contre lui. Sans doute, son objet le plus précieux. Furieux, Vincent le rattrape et lui flanque une raclée. Sa chevalière heurte la joue du garçon qui explose sous la force de la gifle. Du sang coule, mais l’enfant ne dit pas un mot. Juste un regard d’incompréhension. Vincent le relâche, puis lui arrache le livre. L’enfant se met à pleurer. « Ça t’apprendra à me traiter comme ça, pauvre minable. » Vincent part, fier d’avoir le dessus. Sa loi : voler les pauvres…

Vincent jette un coup œil sur l’album. Une pensée fugace lui traverse l’esprit. Est-ce que sa loi s’applique aux enfants ? Il chasse cette idée et se lève du banc pour aller manger au restaurant, seul comme à son habitude. Avant de partir de son bureau, il s’était saisi d’un livre sur les finances et l’avait fourré dans son attaché-case. Dessous, il y avait l’album du petit : « Le Livre de la Jungle ». Après une hésitation, l’ouvrage avait rejoint le premier dans la mallette. Vincent s’était assis sur un banc et l’avait ouvert au hasard. « Ecoute, Petit d’Homme, dit l’Ours, – et sa voix gronda comme le tonnerre dans la nuit chaude. – Je t’ai appris toute la Loi de la Jungle pour tous les Peuples de la Jungle…. Sauf le Peuple Singe, qui vit dans les arbres. Ils n’ont pas de loi. » Son collègue qui l’avait interrompu dans sa lecture n’avait pas vu le trouble qu’avait suscité chez lui cet extrait.

A présent, Vincent hésite à le jeter dans une poubelle, mais il le garde, sans trop savoir pourquoi. Il se rend dans le restaurant, où sa place, proche de la fenêtre, est toujours réservée, commande un menu gastronomique, dont il laissera les trois quarts. Il est riche. Peut se le permettre. Les journaux qu’il lit quotidiennement sont posés sur sa table. Il se saisit du premier. Les lignes dansent devant ses yeux. Il ne parvient pas à se concentrer. Il pense au film de Walt Disney qu’il a vu, il y a longtemps, à une époque révolue. Avec toute sa classe. C’était la veille de Noël. Son instituteur était là. Il était heureux. Il revoit Baloo et Mowgli qui chantent dans la jungle. Repense à la philosophie de l’ours.

L’enfant, que le trader a brutalisé, se substitue bientôt à Mowgli. Qu’importe. Le gosse ne se plaindra à personne de la marque laissée sur sa joue par sa bague.

Le serveur arrive, portant sur son plateau une flûte de champagne. Il se saisit du verre pour le poser sur la table, mais arrête son geste, le regard fixé sur l’extérieur. Vincent tourne la tête. Devant la vitre, le garçon, accompagné d’une dame élégante et de deux policiers, le montre du doigt. Sur sa joue, un énorme pansement. Le trader se maudit de ne pas avoir jeté le livre. Comment a-t-il pu imaginer qu’il s’agissait d’un petit mendiant ? Il se souvient, mais un peu tard, d’une des leçons essentielles de son maître d’école : ne pas se fier à l’apparence. Lui, le criminel de haut vol, vient d’être condamné par un enfant.

Saint orgueil

Dominique était la bonté incarnée. Croyante, elle allait au culte le dimanche, priait tous les soirs, était active dans toutes sortes d’associations caritatives et aidait son prochain à chaque occasion. Pas un mendiant qu’elle ne croisât sans lui remettre quelques pièces. Dans sa poche gauche, elle avait toujours un peu d’argent pour eux, et dans sa droite, des bonbons pour les enfants. On la remerciait souvent avec des larmes de reconnaissance plein les yeux. « Vous êtes une sainte ! » Modeste, Dominique secouait la tête en émettant un petit rire. « Mais non, voyons, c’est tout à fait normal. N’importe qui aurait fait comme moi. » Évidemment, rares étaient ceux qui en faisaient autant qu’elle. Elle le savait.

À l’aube de sa vie, elle était déjà très sérieuse. Ses parents, sévères, n’avaient pas accueilli sa venue dans ce monde comme il se doit. « C’est une fille », avait dit la sage-femme. « Encore ! » n’avait pu s’empêcher de rétorquer la mère. Son père, quant à lui, avait quitté l’hôpital sans la regarder. Toute son enfance, elle s’était efforcée de leur plaire. À dix ans, elle se comportait comme un garçon. Ses parents ne l’en aimaient pas plus pour autant et ses trois sœurs aînées se moquaient d’elle.

Adolescente, elle comprit qu’elle ne pourrait jamais plaire à ses parents. Elle renonça à se prendre pour un garçon, se mit à porter des robes longues et noires, croyant passer inaperçue. Isolée, ne trouvant sa place nulle part, elle se réfugia dans la religion.

Elle apprit qu’il fallait répandre le bien autour d’elle. Elle obéit. Sans état d’âme. Peu à peu, elle en retira une certaine satisfaction. Elle pardonna à ses parents et à ses sœurs, puis cessa d’y penser. Elle était parfaite de bonté et regardait les autres avec une indulgence assaisonnée d’un zeste de dédain. Elle avait souffert, elle avait surmonté ses difficultés, elle était devenue supérieure aux autres. Car elle, elle avait su pardonner. Elle, elle donnait sans contrepartie. Elle, elle serait sanctifiée et irait au paradis. Elle avait atteint le sommet de la bonté et se comparait à Mère Teresa.

Le jour de ses 60 ans, après une journée passée à aider son prochain, elle passa devant un mendiant assis à même le sol contre la vitrine d’un magasin. Compatissante, elle fouilla dans son manteau. Rien. Comment était-ce possible ? Elle agita sa main affolée, et finit par découvrir un trou au fond de sa poche gauche. Dans son portefeuille, elle n’avait plus d’argent liquide. Plus qu’une solution, retirer de l’argent à un distributeur de billets.

  • Je reviens, ne bougez pas, fit Dominique, stressée à l’idée de perdre son statut de sainte.

L’homme leva les yeux, sans comprendre. Elle jeta alors une poignée de bonbons sur le sol.

  • Pour patienter.

Puis Dominique se précipita à la recherche d’un guichet automatique bancaire, tandis que l’homme jetait les douceurs dans sa direction, en murmurant « vieille folle ».

Dominique finit par trouver un appareil à billets. Manque de chance, il était en dérangement. Le suivant se trouvait de l’autre côté d’un parc. Il faisait déjà nuit. Il se mit à pleuvoir. Elle n’avait pas pris de parapluie. Qu’importait, elle ne pouvait faillir à sa mission. Elle traversa le parc en courant et finit par atteindre le distributeur de billets. Fébrile, elle composa son code. Se trompa deux fois. Pas la troisième. Sa frange dégoulinait sur son visage. Elle n’y voyait rien. L’appareil cracha une masse de billets. Contrariée (elle était sûre de n’avoir choisi qu’un faible montant), elle fourra l’argent en vrac dans son sac. Retraversant le jardin au pas de course, elle glissa et tomba dans la boue. Elle hésita à jurer. Mais une sainte, même stressée, ne prononce aucun mot de la sorte.

Quand elle se retrouva à son point de départ, le mendiant était parti. Ne restait plus, sur le sol, que quelques bonbons écrasés. Elle chercha l’homme un moment. En vain. Désemparée, elle marchait dans la rue, l’air égaré, sale et trempée. Les passants s’écartaient sur son passage. Elle avait manqué à sa parole. Elle ne valait plus rien. Elle laissa tomber son sac rempli d’argent dans une poubelle. Fatiguée, désemparée, elle s’assit par terre, devant un magasin de jouets, et ferma les yeux.

Quand elle les rouvrit, une fillette de 7 ou 8 ans se tenait devant elle. Regard clair. Attentif.

  • Pourquoi t’es là ? T’es malade ?

La femme voulut se lever, mais ne réussit pas. La mère, réalisant que l’enfant ne l’avait pas suivie, revint en arrière.

  • Vous avez besoin d’aide ?, demanda l’adulte, en voyant l’état de la vieille dame qui faisait bien plus que son âge.

De l’aide ? Dominique ? Mais non, ce sont les autres qui ont besoin de son aide. C’est elle la sainte.

  • Vous êtes frigorifiée, vous ne pouvez pas rester comme ça. Venez ! On habite à côté.

La femme aida Dominique à se lever et la seconde suivit la première, sans dire un mot.

Dans le salon, un feu de cheminée brûlait.

  • Je m’appelle Lina, dit l’enfant. Et maman, c’est « maman ».

La mère de l’enfant rit, Dominique esquissa un sourire. Depuis quand n’avait-elle plus vraiment souri ?

  • Johanna, compléta la maîtresse de maison. Si vous voulez, vous pouvez prendre une douche pour vous réchauffer. Je vous prêterai des vêtements.

Dominique resta longtemps sous le filet d’eau chaude. Elle se sentait bizarre, sans savoir pourquoi. Quand elle ressortit de la salle de bain, un repas l’attendait. Le père de l’enfant était arrivé. Il n’avait pas l’air surpris de trouver une inconnue chez lui. Elle échangea quelques mots avec ses hôtes simples et rayonnants. Ses certitudes avaient volé en éclats, mais son cœur s’était réchauffé. Elle accepta de rester pour la nuit.

  • Vous dormirez dans la chambre de Véronique. La sœur de Lina est en camp de ski.
  • Vous n’avez pas de fils ?, ne put s’empêcher de demander Dominique.
  • Non, pourquoi ?

La vieille dame ne répondit pas. Mais quand elle se retrouva seule dans cette chambre d’enfant, elle pleura pour la première fois depuis longtemps.

Le livre oublié

1ère version avec uniquement les actions

Un matin à l’aube, après m’être réveillé en sursaut d’un cauchemar, mon père m’a rassuré puis emmené à travers les rues tortueuses de Barcelone. Nous sommes arrivés devant un portail en bois de ce qui ressemblait à un hôtel particulier abandonné.

Il m’a fait promettre de ne rien dire à personne de ce que j’allais voir.

Un homme au nez crochu et au regard d’aigle nous a ouvert la porte et nous a emmenés dans un couloir mal éclairé. Quelques minutes plus tard, nous nous sommes retrouvés au seuil d’une sorte de gigantesque basilique, avec un plafond en forme de dôme. Il s’y trouvait des centaines de bibliothèques chargées de livres.

  • Voici le cimetière des livres oubliés, m’a dit mon père. Chaque livre a une âme. Celle de celui qui l’a écrit et de ceux qui l’ont lu. Ce lieu est un mystère, un temple qui existe depuis très longtemps. Mon père m’y a emmené quand j’avais ton âge. Cet endroit protège les livres oubliés. Lorsqu’un ouvrage disparait, lorsque plus personne ne s’en souvient, nous, les gardiens de ce lieu, faisons en sorte qu’il y parvienne. Il attend là qu’un nouveau lecteur le découvres. Toi, Daniel, tu vas pouvoir en adopter un. Chaque personne qui vient ici pour la première fois peut choisir un livre pour qu’il reste vivant à jamais.

Pendant une demi-heure j’ai déambulé dans les couloirs de la bibliothèque. J’ai fini par trouver celui que j’allais adopter, au bout d’un rayon, qui était intitulé « L’ombre du vent » de Julian Carax.

Version 2

Un matin, après m’être réveillé en sursaut d’un cauchemar, j’ai vu mon père arriver en courant pour me rassurer. M’assurer que ma mère resterait à jamais dans son cœur. Qu’il avait de la mémoire pour deux. Je devinais son regard tourné vers le passé, tandis que le mien l’était vers l’avenir.

Il m’a fait lever. Tôt. Trop tôt pour un petit garçon comme moi. Dans la brume et les rues matinales, désertes de chats. Mais il est des choses que l’obscurité met en lumière. Qui se voient mieux la nuit.

Il m’a entraîné à travers la ville aux rues étroites et tortueuses, encore balbutiantes de sommeil. Nous sommes arrivés devant un portail en bois de ce qui ressemblait à un hôtel particulier abandonné. Il m’a fait promettre de ne rien dire à personne de ce que j’allais découvrir.

  • Pas même à ton meilleur ami.

Un homme aux cheveux gris  et au nez crochu a ouvert. Aucune émotion dans son regard d’aigle. Il nous a laissé passer, sans rien dire. Il connaissait mon père, savait pourquoi j’étais là, alors que je l’ignorais.

Le couloir mal éclairé résonnait des battements de mon cœur et de mes pas. La pénombre imprégnait mon corps de la magie de ces lieux. Soudain, une gigantesque basilique surgit à l’improviste, avec un plafond en forme de dôme et des centaines de bibliothèques gavées de livres jusqu’à l’indigestion. Elles couraient en un labyrinthe d’escaliers, de tunnels, de petits ponts et de couloirs.

  • Voici le cimetière des livres oubliés, a dit mon père.

Quelques silhouettes flottaient au hasard des rayonnages. Alchimistes des livres anciens, comme mon père, et magiciens, garants de secrets ignorés du monde.

Mon père m’a fixé avec intensité.

  • Chaque livre a l’âme de celui qui l’a écrit et de ceux qui l’ont lu. Ce temple des livres oubliés existe depuis très longtemps. Mon père m’y a emmené à ton âge. Lorsqu’un livre disparait, nous, les gardiens de ce lieu, faisons en sorte qu’il y parvienne. Il attend qu’un nouveau lecteur le découvre.

Il s’est arrêté un instant avant de reprendre :

  • Toi, Daniel, tu peux en adopter un. Choisis un livre pour qu’il reste en vie à jamais et t’accompagne.

J’ai déambulé dans le labyrinthe au hasard de ces orphelins en quête de parents. Perdu. Ne sachant lequel m’était destiné ou lequel m’avait choisi.  Soudain, je l’ai aperçu au bout d’un rayon avec sa reliure de cuir vieilli et ses lettres qui luisaient dans la pénombre. Il m’attendait. Je m’en suis approché et en ai lu le titre à voix basse : « L’ombre du vent » de Julian Carax.

Jonathan Livingston le Goéland (resserrement)

Jonathan (2ème version)

Le soleil n’était pas encore levé quand les bateaux de pêche quittèrent le port. Mille goélands se précipitèrent à leur suite pour se disputer les restes de poisson que les pêcheurs rejetaient à l’eau.

Quelques centaines de mètres plus loin, un goéland ne participait pas au petit déjeuner matinal. Lui, ce qui l’intéressait avant toute chose, c’était de voler. Inlassablement, il testait différentes techniques de vols. Jonathan montait de plus en plus haut, puis descendait en piqué pour augmenter sa vitesse. Incapable de contrôler son vol, il finissait toujours par décrocher et tomber comme une pierre dans l’océan.

Un jour, après l’une de ses nombreuses tentatives infructueuses, désespéré, alors qu’il songeait à renoncer, une idée surgit dans son esprit. C’est évident, il me suffit de réduire la taille de mes ailes, avant de piquer ! Une telle découverte changera la vie de la tribu. Jonathan en était certain. Testant sa nouvelle technique, il manqua de percuter un groupe de goélands réunis autour d’un bateau de pêche.

Quand il atterrit un peu plus tard et découvrit tous les goélands rassemblés en cercle sur la plage, Jonathan pensa qu’ils allaient le féliciter pour ses prouesses.

– Jonathan, place-toi au milieu du cercle en signe de honte.

Le jeune goéland crut avoir mal entendu. N’ont-ils pas vu de quoi je suis capable ? Ne comprennent-ils pas que la vie des goélands va changer grâce à mes découvertes ? Personne ne l’écouta. Triste, frustré, il quitta son clan et se dirigea vers les falaises lointaines, où il devait s’exiler.

Durant tout le reste de sa vie, Jonathan continua à améliorer ses capacités de vol, pour son propre bien-être. Il vivait en solitaire, mais heureux. Son seul regret : ne pas avoir pu partager ses découvertes.

Un soir, deux goélands magnifiques et lumineux surgirent à ses côtés pour l’aider à quitter sa vie terrestre vie. Ils grimpèrent de plus en plus haut pour rejoindre un nouveau monde. Le corps de Jonathan changea pour devenir aussi brillant que ceux de ses accompagnateurs. Ils le laissèrent sur une plage où une douzaine de goélands s’exerçaient à voler. En les voyant, Jonathan réalisa qu’il avait encore beaucoup à apprendre.

Pendant un certain temps, vivant l’exaltation de nouveaux apprentissages, il oublia sa vie terrestre et le clan qui l’avait exclu. Jonathan progressait rapidement. Peu à peu, il comprit qu’il n’était pas au paradis, comme il l’avait cru en arrivant. Prenant son courage à deux pattes, il s’en alla retrouver Chiang, l’Ancien, pour lui demander ce qu’était le paradis.

– Le paradis n’est pas un lieu. C’est un état intérieur de perfection. Mais sache que ni le temps et ni l’espace n’existent. Tu imagines qu’il y a des limites à la vitesse, alors qu’il n’y en a pas.

Sur ces mots, Chiang disparut pour apparaître cent mètres plus loin, puis revenir de la même manière près de Jonathan, stupéfait. Immédiatement, l’apprenti goéland voulut apprendre cette nouvelle technique.

– Il suffit de t’imaginer là où tu le souhaites. Tu ne dois pas te laisser limiter par ton corps.

Pendant des jours et des jours, Jonathan s’exerça. Il restait debout sur la plage pendant des heures, les yeux fermés. Mais rien ne se passait.

Puis un jour, il comprit soudain l’être parfait qui sommeillait en lui. Quand il rouvrit les yeux, il se trouvait dans un autre monde, avec Chiang à ses côtés. Heureux.

Jonathan continua à travailler avec son maître la vitesse absolue, cherchant à atteindre plus précisément les lieux visés. Puis il se mit à étudier la bonté et l’amour.

Cependant, au fur et à mesure qu’il pratiquait cet art, il songeait à son ancien clan. N’y aurait-il pas là-bas un goéland qui avait soif d’apprendre à voler et qu’il pourrait aider ?

Fletcher le goéland volait à tire d’ailes vers les falaises lointaines. Triste, humilié. Les autres goélands n’ont pas compris l’importance du vol. Il a été exclu injustement. Comment peuvent-ils être aussi bornés ?

C’est alors qu’il perçut une voix résonnant dans sa tête. A ses côtés volait un magnifique goéland.

– Veux-tu apprendre à voler et retourner aider les tiens ensuite ?

Fletcher, sans hésiter, suivit Jonathan, heureux d’apprendre.

Bientôt cinq autres élèves se joignirent à Fletcher pour apprendre les techniques de vol les plus pointues, sous la direction inflexible, mais remplie de bonté, de Jonathan. Chaque soir, après l’entrainement, Jonathan leur parlait encore.

– Le vol est un moyen d’atteindre sa véritable nature.

Parfois, il leur parlait d’amour, de leur corps qui n’était qu’une projection de leur pensée. Mais ils ne le comprenaient pas.

Après quelque temps, Jonathan décida de retourner vers le clan avec ses élèves.

Lorsque les sept goélands atterrirent sur la plage, les anciens interdirent à quiconque de leur adresser la parole et de les approcher.

Durant la nuit cependant, quelques jeunes oiseaux s’approchaient des nouveaux venus pour écouter Jonathan. Au matin, ils s’en allaient rejoindre le reste du clan, comme si de rien n’était. De jour en jour, le groupe des auditeurs s’agrandit. Plus aucun goéland ne se cachait.

Jonathan expliquait les techniques de vol, mais parlait aussi de liberté et de perfection.

Fletcher se mit à enseigner à son tour. Le soir, après les cours, il retrouvait son ami Jonathan pour discuter et raconter ce qui se disait de lui dans le clan.

– Tu serais le fils du Grand Goéland lui-même.

Peu de temps après cet échange, Jonathan, estimant Fletcher prêt à reprendre le relais, s’envola vers de nouveaux horizons pour aider d’autres exclus.

Seul, face à ses élèves, Fletcher commença :

– Il faut que vous compreniez d’abord que l’objectif ultime du vol est de découvrir le véritable goéland qui est en vous, que votre corps n’est que la projection…

Fletcher s’interrompit. Les jeunes goélands n’étaient pas encore prêts à entendre ce message. C’est à ce moment-là qu’il comprit que Jonathan n’était pas plus d’essence divine que lui-même et que la liberté totale était en chacun.

Staccato

— Ne frappe pas ce piano comme ça, il ne t’a rien fait !

C’est lui qui m’a dit fort. Faudrait savoir ce qu’il se veut. J’en ai raz le bol de ces cours. « Arrondis tes doigts. Va au fond des touches. Staccato. Fortissimo. Plus doucement. Pas aussi vite. Plus mélodieux. » C’est toujours trop ou pas assez. Jamais bien.

— Il faut faire chanter ton piano.

Il en a de bonnes, lui. Si un piano savait chanter, ça se saurait…

— Avec un prénom comme le tien, cela ne devrait pas être difficile.

Et voilà… il m’a pas ratée. Il est comme tous les autres. À chaque fois, c’est pareil. Il faut toujours qu’ils me le renvoient à la figure, mon prénom. Mélodie. C’est un joli prénom, vous allez me dire. Joli oui, mais pas très original venant de la part de parents musiciens. Des musiciens, y’a qu’ça dans ma famille. J’en ai la gerbe rien que d’y penser. Y’a ma grande sœur, mes oncles et mes tantes… même mes grands-parents. Comme dans la famille de Bach. Sauf qu’il y en a qu’un qui est vraiment passé à la postérité. Chez nous, c’est le contraire. Je suis le seul à pas être doué… et à porter un prénom en rapport avec la musique. La poisse quoi. J’essaie d’en rire, mais c’est pas tous les jours drôles. Parfois je me demande si je suis pas adopté. Ou alors j’ai été échangé à la naissance. C’est vrai, quoi. J’ai rien à voir avec eux. Je suis pas du genre artiste. J’aime les maths et la physique. Je kiffe aussi l’informatique et les avions. Bref…

Mes parents sont têtus. Ils croient que j’y arriverai en travaillant. Ils se demandent même pas si ça me plait. Je dois devenir pianiste. Un point c’est tout. Et travailler mes gammes, mes arpèges, la position de mes doigts, apprendre les partitions par cœur, faire « chanter » mon piano… Et comme rien n’y fait, ils me changent de prof à tout bout de champ en pensant que ça me rendra meilleure. Je suis capable de déchiffrer une partition. Je me débrouille mieux que d’autres peut-être, mais j’ai pas le sens musical. C’est pas mon truc.

— Fais un effort, que diable !

Il s’énerve, mais moi j’y peux rien. J’en pleurerais, mais c’est un truc de fille, chialer pour faire pitié. Je déteste ça. Alors, oui, Monsieur le professeur, c’est difficile. Et encore plus avec un prénom comme le mien. Beaucoup plus compliqué que pour d’autres. Je termine tant bien que mal cette leçon à la con avec ce nouveau prof débile.  Désespérée, désespérante…

Moi, ce que je voudrais vraiment, c’est être pilote. Pilote de chasse, si possible. Je l’ai jamais dit à personne. Même pas à mes deux meilleures copines, Fanny et Caroline. Elles comprendraient pas. Je leur ai dit que je voulais être hôtesse de l’air. C’est plus classique. Ça passe mieux.  « Tu devras mettre des jupes, qu’elles m’ont fait, toi qui détestes ça. » Elles ont rigolé, mais moi, j’ai rien répondu. C’est vrai que j’aime mieux les pantalons. Les robes, ça fait nunuche. Pour moi, l’essentiel c’est qu’elles m’ont cru.

Pour une fois, je prends pas le bus pour rentrer à la maison. Je décide de marcher, malgré la pluie. A cause de la pluie qui m’imprègne. Coule sur mon visage. Au moins, ça évite que mes larmes se voient de l’extérieur. Même moi, je me sens pas pleurer.

J’en peux plus. J’aurais tellement voulu leur faire plaisir, à mes parents. Faire honneur à mon prénom. Être le pianiste dont ils rêvaient. Le garçon qu’ils souhaitaient.

Je marche au hasard. Je sais même pas où je vais. Ni où je suis. J’ai marché sans réfléchir. Mes pieds m’ont portée sur un pont. Au-dessus d’un fleuve. Les voitures passent derrière moi. Personne me remarque. Personne me verra tomber. Personne me sauvera. Je m’appuie contre la rambarde et je regarde l’eau. Qui m’attire. Je me penche de plus en plus. M’imagine grimper sur le parapet, debout en équilibre, les bras à l’horizontale… puis m’élancer dans le vide et voler au-dessus de la rivière. Mon corps traversant l’air. Comme un oiseau… Comme un boulet qui plonge à une vitesse vertigineuse dans le liquide devenu béton. Je frissonne. L’idée du choc, de cette plongée dans l’obscurité glaciale, me fait frémir.

Dans ma poche mon téléphone vibre. C’est ma copine Caroline. Je me détourne du fleuve. Les voitures passent toujours sur le pont. Comme si de rien n’était. Elles ne se sont pas arrêtées pour moi. Je finis par décrocher.

— Ah enfin… Tu m’as fait peur. T’es où? Tu fais quoi ? Ça fait un moment que j’essaie de t’appeler. Tes parents aussi. Il parait que t’es pas rentrée.

Quand Caroline se tait enfin – quelle pipelette, celle-là – je dis rien. J’ai la gorge nouée. Si je dis un mot, je rechiale. J’ai pas envie. Même si c’est ma copine.

— Mélodie ? Dis quelque chose ? On t’a enlevée ?

Je crois qu’elle est vraiment inquiète. Alors je laisse tout sortir en vrac. Le piano qui sait pas chanter. Mon prénom de merde qu’on me ressort à toutes les sauces. Que je sais pas si c’est mes vrais parents. Que la musique, c’est con, quand on a des parents musiciens. Que je veux pas devenir pianiste. Que je veux être pilote de chasse.

— Tu voulais pas être hôtesse de l’air ?

Non, mais c’est pas vrai ! Je lui dis tout ce que j’ai sur le cœur et elle, ce qu’elle retient, c’est que j’ai « changé d’avis » sur ma profession de rêve… ou que je lui ai menti. Je boucle le téléphone et quand elle rappelle, je réponds pas. Je me retourne, m’appuie sur la rambarde, regarde le fleuve en bas… Mon téléphone qui vibre en permanence dans ma poche me déconcentre. Et puis le cœur n’y est plus. Le fleuve ce sera pour une autre fois.

La pluie a fini par s’arrêter. Un rayon de soleil guette, pas loin. Moi, des larmes j’en ai plus. J’ai 16 ans. Je suis plus une gamine. Et soudain, je décide d’affirmer ce que je suis. Alors quand je vois le numéro de ma mère s’afficher sur mon téléphone je lui réponds, sans lui laisser le temps de dire un seul mot. Pour pas que je me dégonfle. Après tout, c’est le moment où jamais. Même si par téléphone, c’est pas cool. Y’en a bien qui largue leur gonzesse par sms…

— Maman, je veux changer de sexe et je veux arrêter le piano.

Consigne

Le but de la consigne était d’écrire une nouvelle avec une chute surprenante, mais annoncée par différents éléments subtiles dans le texte.

Nouvelles très courtes

Le champignon

Comme chaque matin, Linda part se promener avec ses chiens dans la forêt, quand elle aperçoit, soudain, un énorme champignon, dodelinant du chapeau ; Linda comprend son mal-être, se penche vers lui pour redresser sa tête de travers, porte la main à ses lèvres pour lui envoyer un bisou, lui trouve un goût étrange, mais néanmoins exquis, et, oubliant son bon cœur, le ramasse  et repart avec ses chiens pour se préparer un bon petit plat.

Vol plané

Au moment où Gédéon, chômeur en fin de droits, s’élance du haut du clocher de son village pour se donner la mort, une fée, qui passait par là, d’un coup de baguette magique, lui fait pousser des ailes ; déconcerté, incapable de tomber, il plane au-dessus de son village, ressassant inlassablement son malheur de ne pouvoir mourir, quand soudain, une fillette l’apercevant d’en bas, crie à sa maman qu’elle veut voler comme le monsieur ; alors Gédéon descend rejoindre la fillette, la prend sur son dos et lui fait découvrir le village d’en haut, se découvrant, par la même occasion, une nouvelle vocation.

Consigne d’écriture

Le but de la consigne était d’écrire des nouvelles en une seule phrase, avec tous les ingrédients d’une histoire.

L’étranger

Depuis que l’étranger est arrivé dans le village il y a trois semaines, la vie de Cléa a changé. Elle se souvient de sa venue à l’épicerie. Elle était de mauvaise humeur ce jour-là. Elle aurait préféré faire la grasse matinée et avoir de vraies vacances. Mais ses parents habitaient un petit village de montagne et ils avaient besoin de son aide pour tenir leur échoppe durant l’été.

L’homme était entré dans le magasin vers la fin de la matinée, comme n’importe quel autre touriste. Il avait posé des questions auxquelles elle n’avait pas répondu. De toute façon, ici, les étrangers n’étaient pas les bienvenus.  Les villageois s’en méfiaient. Tout ce qui venait du dehors était mauvais par définition. Elle n’avait donc pas besoin d’être aimable.

Et puis, au moment où elle lui rendait la monnaie, elle avait levé la tête et croisé son regard. Elle y avait vu l’été, la chaleur et le soleil. Elle s’était perdue dans le ciel serein de ses yeux limpides. Une douceur surprenante et agréable s’était mise à couler dans ses veines.

Une demi-heure plus tard, elle avait retrouvé l’inconnu assis sur un banc placé sous le grand tilleul de la place du village. Il était en train de terminer son pique-nique. Elle s’était cachée pour l’observer. Les autres villageois, eux aussi, l’espionnaient, dissimulés derrière les rideaux de leur fenêtre. Elle le savait.

Il était resté assis tout l’après-midi au même endroit. Avec son sac à dos posé à côté de lui. Parfois, il fermait les yeux, le visage tourné vers l’azur. A d’autres moments, il lisait un livre. Vers 16 heures, les enfants s’étaient retrouvés pour jouer au football. Les parents leur avaient recommandé de ne pas parler à l’inconnu. De temps à autre, l’étranger leur renvoyait la balle qui atterrissait près de lui. Le soir, il avait quitté le village, mais il était revenu le lendemain matin. Nul ne savait où il avait passé la nuit. Les enfants s’étaient approchés un peu plus de lui.

Le troisième jour, ils s’étaient mis à jouer au football avec lui. Puis quand ceux-ci s’étaient bien dépensés, l’homme leur avait raconté des légendes. Cléa avait fini par s’asseoir par terre avec les enfants pour écouter le conteur. Elle ressentait une véritable fascination à son égard. Peu à peu, d’autres adultes l’avaient rejointe et tous avaient fini par apprécier l’étranger. De temps à autre, les enfants partaient avec lui dans les collines environnantes pour apprendre le secret des plantes, des insectes et des animaux sauvages. Il leur enseignait à communiquer avec les bêtes et à se repérer dans la nature. L’atmosphère du village avait changé.

Comme chaque fin d’après-midi, Cléa écoute avec intérêt les histoires du conteur. Lorsqu’il a fini, elle rentre chez elle en sautillant, comme une enfant. Le cœur en fête. Elle mange avec ses parents, discute avec eux, ce qui lui arrive rarement depuis qu’elle étudie à l’université. Elle s’apprête à se coucher, quand on tambourine à la porte d’entrée. Ses parents vont ouvrir. Elle les entend discuter.

— Cléa, viens, hurle sa mère. Les enfants d’Elodie ont disparu.

La jeune fille descend, enfile sa veste et rejoint les nombreux villageois qui sont rassemblés sur la place. Tous sont équipés de lampes de poche. Ils fouillent le village d’abord, puis étendent leurs recherches aux collines environnantes. Ils crient à intervalles réguliers les prénoms des enfants. En vain.

Elodie, la maman des enfants perdus, s’inquiète, imagine le pire. Malgré elle, elle songe à l’étranger. Il a disparu, comme chaque soir. Mais va-t-il revenir ? Après tout, personne ne sait qui il est véritablement.

Les villageois cherchent le frère et la sœur jusqu’à tard dans la nuit. A l’aube, quand ils reprennent leurs recherches, ils pensent tous la même chose, sans oser le dire à haute voix. Même Cléa. Ils se retrouvent sur la place, en milieu de matinée, pour faire le point, quand l’étranger réapparaît. Elodie se précipite sur lui.

— C’est vous qui les avez enlevés. Qu’est-ce que vous en avez fait ?

La mère, hystérique, se met à frapper l’homme de ses poings. Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il tente de l’apaiser d’un geste, il veut lui parler, mais la colère de la femme est telle, qu’il renonce. Il lui tourne le dos prêt à s’en aller.

— Tu crois qu’on va te laisser partir comme ça, vocifère un villageois.

« Pourquoi tu ne leur réponds pas ? se demande Cléa. Est-ce que c’est vraiment toi ? » Menaçante, la populace s’approche de lui et l’encercle, lui ôtant toute possibilité de s’enfuir. La jeune fille, en retrait, des larmes dans les yeux, crie à la foule de s’arrêter. Personne ne l’entend.

Un habitant saisit l’homme par le col de son polo, le secoue puis le jette à terre. Il se met à le rouer de coups de pieds. Tous s’y mettent. L’homme tente de se protéger la tête avec ses mains. Il est redevenu l’inconnu qu’il était, quand il est arrivé trois semaines plus tôt. Il ne se défend pas. Il attend la fin.

Elodie est la première à apercevoir ses enfants qui surgissent du bout de la rue. La fillette porte son petit frère sur son dos. L’un de ses pieds sans chaussure est entouré d’un bandage de fortune créé avec la chemise de la jeune fille. Son visage est égratigné. La mère se précipite vers eux. Prend son fils dans ses bras.

– Qu’est-ce qui vous est arrivé ?

– On voulait prendre un raccourci pour rentrer et on s’est perdu. Et puis, Christian est tombé dans un trou et s’est fait mal au pied.

Les villageois relèvent l’homme. En sang. Gênés, ils s’excusent maladroitement. Veulent l’inviter pour se faire pardonner. Mais Cléa sait qu’il ne peut pas rester. Pour les siens, il sera toujours un étranger, un coupable. Elle s’approche de lui pour le soigner. Quand elle a terminé, l’inconnu lui adresse un dernier sourire avant de s’éloigner pour toujours.

Danse avec la nuit

Quand son ordinateur s’éteint, Marine pousse un juron qu’une bonne partie des habitants de son immeuble entend. Mais la jeune femme n’en a cure. Après tout, elle doit bien subir des chansons de Noël à longueur de journée. Elle n’a pas remarqué que son portable n’était pas branché. Il est cinq heures du soir, il fait déjà nuit. Elle a l’habitude de travailler dans la pénombre et n’a pas encore allumé la lumière. Elle appuie sur le bouton de sa lampe de bureau… Rien ne se produit. Elle ne peut retenir un nouveau juron. Plus aucun appareil électrique ne fonctionne. La tuile. Pourquoi faut-il que cela se passe aujourd’hui ? Elle est à la veille de réaliser son rêve : diriger le département pour lequel elle s’est donnée corps et âme. Si elle n’envoie pas son rapport d’ici une heure, elle peut faire une croix sur la promotion tant convoitée.

Elle jette un coup d’œil dehors. La panne n’a pas l’air générale. Inutile de chercher une bougie pour s’éclairer. Elle n’en a pas. Trop romantique pour elle. Elle cherche à tâtons son sac à main, posé sur le sol à côté de son bureau, se saisit de son téléphone portable pour appeler sa secrétaire, Betty. Car si Marine est une cadre brillante remplie d’idées, elle n’est dotée d’aucun sens pratique.

Elle compose le numéro. Aucune tonalité. Comment est-ce possible ? La panne d’électricité a-t-elle également touché son smartphone ? Non, évidemment. Quelle sotte je fais. Désemparée, la jeune cadre ne voit plus qu’une solution. Sortir de chez elle et retourner au bureau. Elle qui en était partie pour travailler plus efficacement… Heureusement, elle n’en a que pour un quart d’heure à pied.

Une fois l’ordinateur portable dans sa sacoche, elle se précipite vers la porte de son appartement, enfile son manteau et ses bottes fourrées.  Une écharpe autour du cou. Machinalement, elle se tourne vers le miroir en pied placé à l’entrée. Elle n’y distingue qu’une vague silhouette. Genre fantôme. D’habitude, elle se maquille juste avant de partir. Un fard à paupières et du mascara pour mettre en valeur ses yeux noisette, et un peu de rouge à lèvres. Tant pis pour les retouches.

La rue en bas de chez elle est bordée de cabanes aux guirlandes illuminées. Les gens se pressent, espérant trouver là leurs derniers cadeaux. Marine, elle, achète tout en ligne. Elle ne comprend pas ce besoin de voir et de toucher les objets. Elle étouffe dans cette foule, bouscule ceux qui l’empêchent d’avancer. Qu’est-ce qui m’a pris d’habiter au centre-ville ?

Elle jette, malgré elle, un coup d’œil vers les petits chalets, en repère un qui vend des bougies. Étonnamment, celui-là n’est pas pris d’assaut. Elle s’en approche. Il faudra que j’en achète au retour. Elle s’apprête à repartir quand le vendeur l’aborde. Marine sursaute.

  • Elles sont toutes fabriquées à la main.

Qu’est-ce que cela peut me faire ?

  • J’ai juste besoin de bougies pour m’éclairer. Le reste ça m’est égal, ne peut s’empêcher de rétorquer sèchement Marine.

La jeune femme lève ses prunelles assassines sur l’homme. Mais quand elle croise son regard vert clair et limpide au milieu de son visage cabossé, elle se sent brutalement chavirer. L’impression de plonger dans un océan d’incertitude. Le cœur secoué par une lame de fond. Pendant un instant d’éternité, elle ne parvient pas à se mouvoir. Ses jambes flagellent. Une onde de chaleur la parcourt, tandis que son visage rougit sous la force de ce tsunami. Un souvenir lointain se superpose à la réalité. Premier amour d’enfance. Elle a dix ans. Il en a treize. Ils s’aiment d’un amour éternel. Il veut l’impressionner. Debout sur sa planche à voile, la tempête le projette contre les rochers. Déchiré de partout, son bel amour. Elle revoit son visage métamorphosé, plaies géantes. Pourquoi m’a-t-il rejetée ? Elle l’aimait avec toutes ses cicatrices.

C’est elle, songe-t-il.  Il esquisse un mouvement vers Marine.

Qu’est-ce qui me prend ? Cela ne peut pas être lui. Il habite à l’autre bout du monde.  Elle arrive au bureau. Betty est toujours là.

  • Mon portable et l’électricité chez moi ne fonctionnent plus, murmure mécaniquement Marine qui s’assied en face de Betty.
  • Bonjour Marine. Merci, je vais bien. Je fais des heures supplémentaires la veille de Noël, mais c’est pas grave.

Comme sa patronne ne réagit pas, Betty s’inquiète. Elle hésite à poser des questions, puis renonce.

« Êtes-vous sûre d’avoir payé la facture ?

  • Évidemment, vous me prenez pour qui ? »

Betty sourit. Justement, elle la connaît bien.

« Il y a peut-être une ou deux factures sur mon bureau à la maison… je n’ouvre pas tous mes courriers. Vous croyez vraiment ?

  • Cela ne m’étonnerait pas.
  • Et l’électricité ?
  • Dans la même pile de lettres.
  • Et comme c’est Noël demain… même si je paie maintenant…
  • Pas d’électricité ni téléphone. Vous serez forcée de vous éclairer aux bougies. »

Quand Marine ressort de son bureau un quart d’heure plus tard, la foule est encore plus dense. Comme un seul et gigantesque corps aux membres tentaculaires. La jeune femme n’a pas la force de lutter contre le mouvement. Ils avancent tous ensemble, pressés les uns contre les autres. Marine surprend ses propres mains qui se baladent sur ses voisins. Perdue dans ses souvenirs. Son être s’embrase. Elle déboutonne le haut de son manteau, effleure le bout de ses seins dressés à travers son pull. Cela fait si longtemps que plus personne ne l’a pas touchée. Puis soudain, son regard s’accroche à celui du vendeur de bougies vers qui la foule la dépose. C’est lui.

  • Est-ce que vous voulez danser avec moi ?

Elle ne répond pas. Se souvient de son premier slow, de sa première boum. L’homme sort de la cabane, l’enlace et la fait tourbillonner dans les airs au rythme des chants de Noël diffusés par les haut-parleurs de la place. C’est lui. Plus rien n’existe que cette danse étrange surfant sur l’océan de ses souvenirs et de son amour éternel.

Le bonnet rouge

Aujourd’hui, c’est décidé, Elodie va nettoyer le hangar caché dans les broussailles au fond du jardin. Elle ne connait pas le bâtiment et elle peine à en trouver l’entrée. Devant les panneaux coulissants, un cadenas brisé git sur le sol. La jeune femme déroule la chaîne reliées aux poignées et fait glisser les portes sur leurs rails.

C’est à ce moment, qu’elle les aperçoit. Agglutinés au fond de la bâtisse, avec leurs grands yeux tristes et leurs sourires remplis d’espoir. Les rayons de soleil les éclaboussent de leur lumière. Elodie, choquée, esquisse un mouvement de recul. Ils sont plus d’une cinquantaine. La jeune femme se demande depuis combien de temps ils attendent d’être libérés. Elle s’approche d’eux pour évaluer leur état. Mais pas trop. Ne pas leur faire peur. Ils semblent se porter plutôt bien. Puis elle recule en direction de la porte qu’elle referme, en prenant soin de remettre la chaîne. Qu’est-ce qu’ils font là ? Pourquoi sont-ils si nombreux ?

Elodie retourne à la maison se préparer un café. Doit-elle appeler la police ? Se renseigner auprès des voisins ? Sans doute, connaissaient-ils le défunt, précédent propriétaire du hangar. Le sien à présent.

C’est un notaire d’Alençon en Normandie qui l’a contactée, trois semaines plus tôt, pour l’informer qu’elle avait hérité d’une propriété à Saint-Germain-du-Corbéis. Elle ne connaissait ni le lieu ni le défunt. Elodie était arrivée la veille, ravie de cette manne qui lui était tombée du ciel. Célibataire de bientôt 40 ans, elle rêvait d’une vie à la campagne, de quitter Paris où elle avait toujours habité. La maison n’était pas grande, mais bien entretenue. Le notaire lui avait parlé du hangar à la lisière de la forêt. « Il n’est plus utilisé depuis longtemps. »

Une fois son petit noir avalé, l’héritière sonne à la porte des voisins les plus proches. Une femme, plus ou moins du même âge qu’elle, la fait entrer.

  • Vous voulez un café ?

L’héritière n’ose pas refuser. La voisine s’appelle Elisabeth. Elodie oriente la conversation vers son parent lointain et lui raconte sa découverte. Le hangar mangé par le lierre et les broussailles. Le cadenas brisé. Et les petits bonshommes agglutinés au fond du bâtiment. Elisabeth éclate de rire.

  • C’est certainement un coup du FLNJ.
  • Le FLNC ?

Elodie ne voit pas ce que les Corses ont à faire avec cette histoire.

  • Non ! Le FLNJ. Le Front de libération des nains de jardins.

Voyant l’air interloqué de la jeune héritière, elle poursuit :

  • Le FLNJ a été créé en 1996 à Alençon par une bande d’étudiants durant leurs vacances d’été. Comme ils s’ennuyaient, ils se sont mis à voler des nains dans les jardins. Ils les maquillaient, puis prétendaient les libérer dans la forêt. Ils leur construisaient une petite cabane et leur laissaient de quoi manger. Ils revendiquaient leurs actes au nom du FLNJ.
  • Comme s’ils étaient vivants ?
  • Oui. Cette affaire a pris une ampleur inattendue. Un journaliste d’un média local a écrit un article à leur sujet. Le lendemain, les médias du monde entier reprenaient la nouvelle. Dans toute la France et dans de nombreux autres pays, des groupes se sont constitués sous l’égide du « commando ». Je vous conseille…

Elisabeth s’interrompt à l’arrivée de son garçon. Elodie prend congé en promettant de revenir.

Le récit surprenant de la mère de famille n’explique cependant pas tout. Est-ce que ce FLNJ était à même de stocker toutes ces figurines à l’insu de l’aïeul ? Était-il possible que ces nains soient restés cachés là jusqu’en 2011, sans que personne n’en sache rien ? Était-ce le défunt, au contraire, qui était le propriétaire de ces nains ?

Elodie lit les articles parus à l’époque. Elle découvre l’émotion des propriétaires de nains, qui considèrent parfois ceux-ci comme de véritables personnalités. Puis elle retourne voir les petits hommes en espérant qu’ils lui confient leurs secrets. Elle se surprend à leur parler, à leur poser des questions. Mais ils restent muets. Quand elle repart, au moment où elle fait glisser les portes sur leurs rails, Elodie perçoit un mouvement dans la pénombre. Infime. Puis plus rien. Elle décide de se rendre au commissariat le lendemain. Toute la nuit, elle fait des cauchemars. Des nains l’assaillent, et Blanche-Neige, leur égérie, ne cesse de lui chuchoter « libérez-nous ».

Le commissaire émet la même hypothèse qu’Elisabeth, bien qu’aucun vol de nains n’ait été annoncé depuis 2008. Il envoie un gendarme en prendre possession. Lorsqu’elle voit partir les drôles de bonshommes, Elodie sent peser sur elle leurs regards chargés de reproches. La nuit suivante, le cauchemar de la veille revient. Plus intense. « Pourquoi nous as-tu livrés à la police ? » Elle tente de les repousser. « Vous n’êtes pas vivants ». Ils insistent, la touchent, la supplient de les libérer.

A l’aube, le sommeil la fuyant, Elodie retourne dans le hangar pour exorciser ces rêves désagréables. Quand elle aura tout nettoyé, elle ne fera plus de cauchemar. Les nains ont tous été embarqués par la police. C’est certain. Ce n’était qu’un mauvais rêve. Elle commence à balayer le sol, lorsqu’elle perçoit une présence derrière elle. Comme la veille. Est-ce qu’elle devient folle ? Elle se cramponne à son balai. « Ce n’est qu’une illusion. » Mais quand elle entend une petite toux derrière un fagot de bois, elle comprend qu’ils ne la lâcheront pas. Elle s’approche. Ils sont sept avec leurs bonnets rouges enfoncés sur la tête. Ils la regardent, attendent un geste de sa part. Il leur manque une Blanche-Neige.

***

« La police d’Alençon dans l’Orne enquête sur la découverte par une femme de 71 nains de jardin et deux Blanche-Neige dans un hangar désaffecté dont elle a hérité… »

Le commissaire repose le journal. Quelques mois sont passés depuis la parution de cet article. Pourtant, il n’a toujours pas résolu cette affaire. Ni celle de la disparition de l’héritière, le lendemain. Les policiers ont fouillé la forêt, mais n’ont retrouvé qu’un petit bonnet rouge dans un buisson.

Commentaire

Cette nouvelle est basée sur un fait divers qui s’est déroulé dans les années 1990 et a marqué une époque. Ce que raconte Elisabeth dans mon histoire sur la création du Front de libération des nains de jardin est véridique. Durant un été, un groupe d’étudiants désoeuvrés a créé pour s’amuser le FLNJ. Ils trouvaient les nains de jardins totalement kitch. Ils en volaient chez les gens, les maquillaient puis les apportaient dans la forêt où ils leur conduisaient une cabane et leur laissaient de quoi grignoter. Cette histoire a été relatée par un journaliste local. Elle a été reprise par les médias du monde entier et les Fronts de libération de nain de jardin se sont multipliés. A la suite de ça, une association internationale pour la protection des nains de jardin a vu le jour. J’ai lu de très nombreux articles sur cette histoire incroyable, alors qu’il n’y avait pas encore les médias sociaux.

L’histoire du hangar, hérité par mon héroïne, dans lequel elle a trouvé 71 nains de jardin, est vraie. D’ailleurs la partie en italique est extraite d’un article de journal de l’époque. Elle en a informé la police qui a enquêté. Apparemment, les policiers ont retrouvé l’un des propriétaires de ces nains. Mais je n’ai pas réussi à trouver la conclusion de l’enquête et je ne sais pas non plus si les nains étaient des victimes oubliées du FLNJ. L’histoire ne dit pas non plus qui étaient les héritiers. Mon personnage est une pure création, de même que sa disparition à la fin de la nouvelle.